La mythique “ruta 40” argentine. Vastes étendues désolées. Vent et crevaisons.

Dans cet article, nous suivons la route 40 depuis Bajo Caracoles jusqu’aux environs d’El Chalten. Les localités de Gobernador Gregores et Tres Lagos nous offrent des emplacements où passer la nuit, protégés du vent violent qui souffle sans discontinuité dans la région. Les paysages traversés, vastes étendues désertiques, sont peuplés de guanacos et de nandous.

Sur la route 40

Après une nuit paisible, protégés du vent qui souffle violemment, nous reprenons la route vers le sud.

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La piste 41 cède ensuite la place à un ruban asphalté, la célèbre « ruta 40 », qui traverse l’Argentine, sur des milliers de kilomètres, de l’extrême nord à Ushuaia. En chemin, les paysages extraordinaires ne manquent pas, tel le majestueux Fitz Roy, notre prochaine étape.

Vers le Fitz Roy

Nous atteignons rapidement la localité de Bajo Caracoles. Un village perdu au milieu de nulle part, poussiéreux, battu par les vents. Un centre de santé, un poste de police, une école, quelques maisons et une station-service/épicerie/restaurant. Les prix des quelques produits alimentaires (paquets de gâteaux et conserve) proposés sont alors exorbitants.

A l’inverse, l’essence est peu chère en comparaison du Chili voisin (mais bien plus chère que dans d’autres stations-service du pays, comme nous le découvrirons ensuite) 190 pesos le litre, soit moins de 1 dollar (au taux de change officiel). Et bien moins au taux de change officieux auquel la gérante accepte de nous le vendre à la condition que nous payons en dollars (1 dollar contre 320 pesos). Ce n’est pas aussi intéressant qu’au taux « bleu » mais cela nous convient.


Informations taux de change Argentine

Deux taux de change différents entre les pesos argentins et le dollar cohabitent en Argentine.
Celui dit officiel, déterminé arbitrairement par les autorités et appliqué par les banques argentines lorsqu’on effectue une opération de change (ce qu’il vaut donc mieux éviter). Il s’agit également du taux de change pratiqué dans les bureaux de change officiels.

Et celui dit officieux, également appelé taux « blue ». La devise argentine, le peso, perd régulièrement de sa valeur. Par conséquent, les argentins sont « prêts à tout » pour être payés en dollars plutôt qu’en pesos. Mille pesos ne vaudront sûrement plus grand chose dans quelque temps alors que la valeur des dollars ne variera guère.

A titre d’illustration, en février 2023, 1 dollar s’échangeait contre 360 pesos. Quelques mois plus tard, en fin d’année, le même dollar valait plus de 900 pesos !

Le taux « bleu » est appliqué par certaines banques, sociétés de transfert d’argent (Western Union) et commerçants. Parfois, un taux intermédiaire est proposé.

En fonction du taux proposé, il est ainsi plus intéressant de payer directement en dollars, en pesos argentins qui auront été au préalable changés au taux « bleu » ou par carte bancaire (surtout depuis que les cartes Visa françaises appliquent le taux “bleu” sur tous les paiements en Argentine).

Par exemple, lors de cette première journée en Argentine, nous avons eu affaire aux taux suivants.
Officiel : 200 pesos pour 1 dollar
Dans l’épicerie/ station-service de Bajo Caracoles : 320 pesos pour 1 dollar
Lors du change effectué de manière non officielle à Gobernador Gregores (hôtel Kaiken) : 340 pesos pour 1 dollar
Taux appliqué par notre banque française lors d’un paiement avec une carte VISA : 360 pesos

Cela semble assez nébuleux, mais permet néanmoins de réaliser d’importantes économies (50 % par rapport aux prix affichés) lorsque l’on arrive à payer avec le taux bleu.


Par la suite, nous reprenons la route vers la prochaine ville, Gobernador Gregores. Notons que cette dernière se situe à 250 kilomètres. Entre les deux, il n’y a rien.

Rien d’autre que de vastes étendues désertiques à perte de vue. Les rares rivières que nous apercevons sont alors asséchées. Les touffes de plantes sont grillées par le soleil ardent tandis que des rafales déferlent des Andes sur cette surface plane. En outre, la route est incroyablement rectiligne.

Sur la route 40

Une portion d’une cinquantaine de kilomètres ne comporte ainsi pas un seul virage. La chaussée asphaltée trace droit dans le paysage, bordée de part et d’autre par des clôtures qui délimitent des terrains privés de plusieurs milliers d’hectares.

Les minutes passent doucement, les kilomètres défilent. Le paysage reste le même, monotone, aride. Même le trafic est faible. Les véhicules que nous croisons se comptent d’ailleurs sur les doigts des mains.

Seule source de distraction, les nombreux animaux qui gambadent sur le bas-côté. Des centaines de guanacos, peu craintifs et, moins nombreux et plus sauvages, des nandous. Cousins éloignés, de petite taille, des autruches.

Cependant, notre enthousiasme décline à mesure que nous en voyons. L’excitation de la veille, lorsque nous étions émerveillés devant ces camélidés méridionaux, laisse maintenant place à la routine.

La vigilance reste malgré tout de mise puisque la chaussée en bon état jusqu’à présent se dégrade. De profondes ornières et des portions qui deviennent d’un coup en graviers parsèment dorénavant la route 40.

Localité de Gobernador Gregores

Nous arrivons finalement à Gobernador Gregores en milieu d’après midi et n’allons pas plus loin. Nous devons faire des courses, prendre de l’essence, trouver des cartes SIM argentines et essayer de changer des dollars à un taux intéressant. Vaste programme en perspective !

De fait, l’office de tourisme de la ville nous fournit les informations nécessaires et nous oriente vers l’hôtel Kaiken pour le change. Le taux proposé, 340 pesos pour 1 dollars (contre 200 pesos pour le taux officiel), nous convient parfaitement. En conséquence, cela réduira considérablement notre budget durant les prochains jours dans le pays.

Pour les courses, cela est simple. Le supermarché de la localité, de l’enseigne La Anonima, est ainsi bien achalandé. Il y a même plus de choix de fruits et légumes qu’au Chili. Les prix sont assez semblables à ceux pratiqués dans le pays voisin, c’est-à-dire chers en comparaison du niveau de vie.

Mais, une fois rapportés au taux « bleu », les tarifs deviennent tout de suite bien plus intéressants pour les étrangers. En caisse, il est, une fois de plus, possible de payer directement en dollars (le magasin applique un taux de change avantageux), en pesos argentins ou par carte bancaire.

A la station-service YPF, nous découvrons avec bonheur les prix pratiqués. Le livre de sans-plomb 95, appelé ici « super » est à 135 pesos le litre. Soit environ 0,70 dollar le litre, ce qui revient même à 0,40 dollar grâce au taux de change « bleu » !

Le lieu est aussi un point de ralliement pour de nombreux vans et caravanes qui passent la nuit sur le parking. L’établissement offre d’ailleurs du wifi et propose des douches chaudes à un prix attractif (300 pesos).

Cela se complique néanmoins pour la carte SIM. Les informations de l’office de tourisme sont correctes, le magasin « Lofalu » en vend bien. Mais, après en avoir acheté, passé de longues minutes à tenter de nous enregistrer sans succès, nous comprenons qu’il y a un problème. Pour bénéficier d’un numéro de téléphone (et d’un accès internet) tout acheteur d’une carte SIM doit indiquer son identifiant d’identité. Que nous ne possédons pas puisque nous ne sommes pas argentins !

Les étrangers peuvent s’enregistrer avec le numéro figurant sur leur passeport, mais il est alors nécessaire d’acheter une carte SIM spécifique, valable uniquement pour les étrangers. Ces dernières se vendent uniquement dans les boutiques officielles des opérateurs télécoms. La plus proche se situe à Rio Gallegos à plus de 400 kilomètres vers le sud ! Nous renonçons donc à disposer d’internet pour le moment et retournons à la station service pour consulter les prévisions météorologiques des prochains jours.

Pour dormir, nous avions vaguement repéré un lac, celui de Cardiel. Ce dernier semblait se situer à distance raisonnable de Gobernador Gregores. Vérification faite, il faudrait rouler près de 100 kilomètres pour le rejoindre ! D’une façon générale, les distances sont démentielles en Argentine.

Nous restons donc en ville et trouvons un coin tranquille à proximité d’un ruisseau, le Rio Chico.


Itinéraire de Bajo Caracoles à El Chalten

Trois jours. Trajet réalisable en deux jours, sans crevaison…
500 kilomètres, près de 10 heures de route.

Route 40 asphaltée entre Bajo Caracoles et Gobernador Gregores. Quelques portions avec de profondes ornières néanmoins. 230 kilomètres, 4 heures.

Camping sauvage à Gobernador Gregores. A la sortie sud de la localité, juste après avoir franchi le pont “Puente de los Pioneros”, sur les rives du “Rio Chico”. Grand espace en partie gravillonné et en partie herbeux, quelques arbres. Légèrement en retrait par rapport à la route. Protégé du vent. Aucune commodité. Poubelles à disposition. Endroit tranquille et sûr.

Le lendemain, trajet de Gobernador Gregores à Tres Lagos. Environ 4 heures.
180 kilomètres en suivant la route 40 dont la moitié est une portion non asphaltée dans un état déplorable (gravier, pierres acérées, ornières…). Double crevaison, réparation à Tres Lagos.

Camping sauvage Tres Lagos. Sur les rives du Rio Chalia. Accessible en passant dans le village (2eme route à droite en entrant dans Tres Lagos depuis le nord). Tranquille. Tables pique-nique et espace pour barbecue à disposition. Aire de jeux pour enfants, terrain de football et volleyball.

Le jour suivant, de Tres Lagos à El Chalten. 120 kilomètres, 1h30. Route asphaltée en bon état.

Camping “organisé” El Chalten : autorisé à proximité du centre d’information. Parking poussiéreux. Gratuit. Pas de commodités après 17 heures néanmoins (heure de fermeture du centre des visiteurs). Point d’eau à disposition.

Plus d’informations sur le parc national Los Glaciares et le Fitz Roy sur le site des parcs nationaux argentins : Parque Los Glaciares


Vers Tres Lagos

Le lendemain, nous poursuivons, toujours vers le sud, en direction de Tres Lagos puis d’El Chalten, la ville située au pied des fameuses tours de granite du Fitz Roy.

La route 40 traverse de vastes étendues, à peine plus vallonnées que la veille mais tout aussi désertiques. Encore une fois, le vent souffle avec fureur.
D’ailleurs, anecdote étonnante, ce jour-là, les prévisions météorologiques argentines n’indiquaient pas quel serait le temps pour la journée. Pas de mention de soleil ou de pluie. Mais seulement l’indication d’un jour venteux !

Les rafales déferlent ainsi sur la plaine où rien ne peut les arrêter. Elles glissent de la cordillère des Andes, prennent de la vitesse sur ce terrain désolé et viennent finalement frapper notre véhicule. Le van est alors sans cesse déporté vers la gauche. Dans ces conditions, la conduite n’est certainement pas une partie de plaisir.

Plus loin, cela se corse encore. La chaussée asphaltée s’interrompt brutalement et la route 40, fierté du pays, devient une piste caillouteuse sur soixante-dix kilomètres. Son état est catastrophique, inimaginable.

Pire que n’importe quelle route des Andes (même en Bolivie ou au Pérou) que nous avons empruntée jusqu’ici. Elle est truffée de pierres aux angles pointus qui pourraient facilement lacérer nos pneus, qui sont probablement peu adaptés à ce type de « revêtement ».

Route délabrée, une double crevaison

Évidemment, l’inévitable se produit après une quarantaine de kilomètres. Le pneu arrière gauche crève. Nous voilà obligés de changer la roue sur le bas-côté, malmenés par le vent qui s’abat sur la région, soulevant d’importants nuages de poussière.

Après une première crevaison au Chili, nous sommes rodés, mais cela ne nous empêche pas d’être couverts de sable. Très rares sont les véhicules qui passent, mais ils s’arrêtent pour nous demander si nous avons besoin d’aide. Ce n’est pas le cas, mais nous apprécions cette solidarité.

Nous reprenons ensuite la route avec crainte. Le ventre serré, les mains crispées sur le volant, les muscles contractés… La transpiration perlerait sur nos fronts si l’air n’était pas aussi sec. Une deuxième crevaison serait catastrophique. Nous serions alors sans solution, au milieu de nulle part, sans réseau téléphonique…

Les derniers kilomètres de piste sont une vraie souffrance. Nous trouvons extrêmement étonnant que cette portion très dégradée ne soit mentionnée nulle part. D’ailleurs, nous ne sommes pas seuls à connaître des misères. Motos et autres voitures sont arrêtées sur le bas-côté, pour des crevaisons ou des moteurs en surchauffe.

Nous atteignons enfin la portion asphaltée qui conduit à Tres Lagos quarante kilomètres plus loin. Nous pouvons enfin respirer. Pas trop longtemps cependant puisqu’en souhaitant s’arrêter pour déjeuner, nous remarquons que la roue de secours que nous venons d’utiliser semble dégonfler.

Nos pires craintes seraient-elles en train de se réaliser ? Heureusement, nous arrivons dans la petite ville qui, contrairement à ce que son nom pourrait laisser penser, n’est pas située à proximité de trois lacs, ni même d’un seul !
Parmi les trois lacs en question, certains sont à une centaine de kilomètres. En réalité, la ville se trouve au carrefour des routes qui y mènent.

Localité de Tres Lagos

L’endroit est fantomatique, les rues poussiéreuses et battues par le vent sont désertes. Les quelques commerces de la localité sont fermés. Heureusement, la « gomeria » (l’équivalent de la « vulcanizacion » au Chili, le lieu où l’on répare les pneus crevés, sans être pour autant un garage automobile) est ouverte.

Les deux hommes qui y travaillent sont déjà occupés. Lorsque vient notre tour, ils sont efficaces. Les deux pneus, celui à plat que nous avons changé et la roue de secours victime également d’une crevaison lente, sont rapidement réparés. Le prix est modique, 4000 pesos.

Il est 16h30, nous pouvons enfin souffler et déjeuner. Ces péripéties, qui pour l’instant n’ont pas de conséquences importantes, gâchent cependant la journée. En outre, nous ne savons pas quel sera l’état de la route les prochains jours.

Nous n’avons pas envie de poursuivre le trajet aujourd’hui et cherchons alors un coin agréable, si possible protégé du vent, dans les environs de Tres Lagos.

Les rives d’un ruisseau, le Rio Chalia, nous offrent finalement un emplacement tranquille, ombragé, à distance des habitations.

Vers El Chalten

Le lendemain, nous poursuivons vers El Chalten. Les prévisions météorologiques annonçaient un temps couvert, voire de la pluie dans l’après-midi. Au réveil, il fait grand beau.

120 kilomètres nous séparent de la petite ville, nichée au pied de la cordillère des Andes. Néanmoins, la route est asphaltée. Le trajet s’effectue donc rapidement, au milieu d’étendues toujours désertiques, sur une chaussée le plus souvent rectiligne.

Plus tard, la magnifique chaîne de montagne des Andes apparaît à l’horizon, telle une barrière infranchissable qui s’élève au-dessus de la plaine.
Les sommets enneigés sont visibles de très loin, à plus d’une centaine de kilomètres, au-delà de l’immense lac, à la jolie couleur vert d’eau, Viedma.

Sur la droite, le pic le plus emblématique de la région, l’emblématique Fitz Roy, se dévoile également.
L’impressionnante pyramide granitique émerge dans le lointain, la tête dans les nuages. Sa pointe se dérobe d’ailleurs le plus souvent au regard des visiteurs. Coup de chance, elle se révèle quelques instants avant que le mauvais temps ne prenne, définitivement, le dessus.

El Chalten. La localité, tournée entièrement vers le tourisme, fut créée de toutes pièces en 1985, pour contrer des revendications territoriales sur la région de la part du Chili.

En traversant la petite ville, nous rencontrons énormément de monde. Bien plus que depuis le début de notre périple en Patagonie. Mais d’où sortent tous ces gens ? Probablement du sud, Puerto Natales, Ushuaia, nos destinations suivantes.

Vers El Chalten

L’ambiance touristique qui y règne ne nous charme absolument pas, les prix pratiqués sont exorbitants, totalement déconnectés du reste de l’Argentine, mais El Chalten est un point de passage obligé pour randonner dans les montagnes environnantes.

C’est l’après-midi, les sommets alentour sont dans le brouillard, il n’est donc pas question de partir marcher dès maintenant. Nous passons la nuit sur l’espace autorisé, à proximité du centre d’information à l’entrée de la ville, en compagnie de dizaines d’autres véhicules. Sûrement l’emplacement le moins agréable depuis le début du voyage.


Informations pratiques

Camping sauvage Gobernador Gregores : à la sortie de la ville, juste après le pont sur le Rio Chico en empruntant la rue « Luis Sanchez ». Légèrement en retrait par rapport à la route. Protégé du vent. Aucune commodité. Endroit tranquille et sûr.

Réparation de pneus (« gomeria ») Tres Lagos : sur la route principale qui traverse la localité. Un pâté de maisons avant le commissariat. Ouvert 7/7 jours. Personnel sympathique. Prix modiques, 2000 pesos pour réparer un pneu.

Camping sauvage Tres Lagos : sur les rives du Rio Chalia. Accessible en passant dans le village (2eme route à droite en entrant dans Tres Lagos depuis le nord). Tranquille.

Camping “organisé” El Chalten : autorisé à proximité du centre d’information. Parking poussiéreux. Gratuit. Pas de commodités après 17 heures (heure de fermeture du centre des visiteurs). Point d’eau à disposition.


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