Un canal mythique. Lions de mer, oiseaux marins, manchots, une profusion d’animaux.
Dans cet article, nous effectuons deux excursions maritimes. La première sur le canal de Beagle, en face d’Ushuaia, vers le phare des Eclaireurs et à la rencontre des lions de mer. Puis, une seconde, en direction de la fantastique île Martillo, peuplée d’une colonie de manchots de Magellan et de rares manchots Papous. Nous vous donnons toutes les informations pour vivre une expérience privilégiée, en compagnie d’un nombre très limité d’autres voyageurs.
Ushuaia
Alors que nous pensions consacrer la journée à randonner, soit dans le parc Tierra del fuego (dont le tarif exorbitant peut refroidir), soit pour aller admirer la laguna Esmeralda, nos plans sont modifiés à la dernière minute.
En effet, la veille, nous avons été séduits par les excursions proposées par la compagnie Paludine, bien loin du tourisme de masse pratiqué par d’autres agences. La découverte du canal de Beagle, le bras de mer qui borde la ville d’Ushuaia, se déroulera ainsi en petit comité.
Vous pouvez retrouver l'article précédent et toutes les informations sur les différentes agences et excursions sur le canal de Beagle : Vers Ushuaia
Au programme des prochaines heures, un circuit classique entre les îles qui se trouvent au large d’Ushuaia. Puis, l’après-midi, une navigation autour de l’île Martillo, également connue sous le nom d’Isla Pinguino.
Informations excursions canal de Beagle et île Martillo (agence Paludine)
L’agence Paludine propose des excursions sur des navires bien plus petits que les autres compagnies. L’excursion du matin vers le phare des Éclaireurs s’effectue ainsi sur un bateau semi-rigide accueillant seulement dix passagers et celle vers l’île Martillo sur une embarcation avec vingt personnes à bord.
Excursion canal de Beagle : 12000 pesos. 2h30. Départ depuis le port d’Ushuaia. Navigation vers le phare des Éclaireurs, observation des lions de mer et de nombreux oiseaux marins. Quelques minutes de marche sur l’île Bridges.
Excursion manchots / île Martillo (en collaboration avec l’agence Onashaga Expeditions) : 18000 pesos. 6h. Trajet en bus vers le port de Puerto Almanza (1h30). Puis, navigation autour de l’île Martillo. Enfin, retour en bus à Ushuaia.
Prix pour les deux excursions combinées (à réaliser la même journée ou lors de deux jours différents) : 24000 pesos.
Plus d’informations sur leur page Facebook : Paludine
Après quelques difficultés à se garer dans la ville d’Ushuaia, les nombreux parkings affichent complet, nous arrivons finalement au port. Et découvrons la petite embarcation sur laquelle nous prenons rapidement place.
En comparaison des catamarans géants des autres compagnies, également amarrés le long du quai et des navires de croisière au second plan, le bateau semi-rigide, au moteur puissant, paraît bien frêle.
Excursion sur le canal de Beagle
Les dix passagers, le pilote et un membre d’équipage se serrent dans l’étroite cabine puis nous partons.
Direction le phare des Éclaireurs, à quatorze kilomètres de distance, pour une excursion effectuée à l’inverse des autres agences.
Nous laissons derrière nous la ville et voguons en direction de l’extrémité Est du canal de Beagle et de l’océan Atlantique. Malgré un vent de nord sensible, la mer est calme, les vagues presque inexistantes. Heureusement car le bateau rebondit dessus et, à chaque fois, donne l’impression de s’écraser sur une surface aussi dure que du béton.
D’une longueur de 240 kilomètres et large de seulement 1 kilomètre et demi à son point le plus étroit, le canal de Beagle sépare la Grande île de la Terre de Feu, où se situe la ville d’Ushuaia, des îles Hoste et Navarino.
Il doit son nom au navire MS Beagle, qui effectua deux voyages d’exploration scientifique sous ces latitudes méridionales dans la première moitié du 19ème siècle. Parmi les membres de l’expédition figurait alors le naturaliste Charles Darwin.
Au pied des parois qui bordent le canal, de hautes montagnes au sommet pelé, couvertes de forêts à la base, nous distinguons les vestiges d’une estancia, laissée à l’abandon depuis longtemps. Puis, un groupe de cinq manchots de Magellan, en train de flotter sur l’eau, tels de simples canards.
Le phare des Eclaireurs, lions de mer et cormorans
Plus tard, le phare des Éclaireurs apparaît à l’horizon, bâti sur le dernier de trois îlots. Les deux autres, accueillent d’incroyables colonies d’animaux marins. Des lions de mer et des cormorans par dizaines.
A mesure que nous approchons, une odeur forte, aigre, se fait sentir puis emplit l’atmosphère. Une telle concentration de faune génère quelques nuisances olfactives. Et auditives, puisque les lions de mer ne semblent pas bien commodes.
Chacun défend son maigre territoire face au voisin et les cris et mugissements, surtout ceux des grands mâles dominants, résonnent.
Ces derniers, grosses masses de 350 à 450 kilogrammes, règnent sur un harem d’une dizaine de femelles au poids moitié moindre. Malgré ces dimensions imposantes, les animaux s’entassent à plusieurs au mètre carré. La queue de l’un sur le museau d’un voisin, la nageoire d’un autre écrasée par un congénère.
Sur le second îlot, l’atmosphère est plus tranquille. En effet, les cormorans ne se chamaillent pas, chacun semble respecter l’espace vital de son voisin.
Il n’y a aucun autre bateau dans les environs. Nous passons donc de longues minutes, à quatre ou cinq mètres des animaux, avant de nous diriger vers le phare, à courte distance.
Sa lumière culmine à vingt deux mètres de hauteur, surplombant une base peinte de bandes rouges et blanches. Dénommé, en français dans le texte, « des Éclaireurs », il permet, depuis 1920, aux navires de fort tonnage qui transitent par le canal de ne pas s’échouer sur les nombreuses îles et hauts fonds de la zone.
Nous faisons ensuite demi-tour pour nous diriger vers l’extrémité ouest du canal, vers l’océan Pacifique. Les petits morceaux de terre qui émergent sur les flots sont autant de refuges et de lieux de nidification pour les oiseaux. Cormorans, pétrels, albatros, goélands et sternes…
Un débarcadère vétuste en bois permet de prendre pied sur l’île Bridges. Une cabane, refuge pour marins en détresse, est bâtie sur la plage de galets.
Nous marchons quelques minutes au milieu d’une végétation incroyable. Il est étonnant de voir une telle diversité de plantes et fleurs, blanches, jaunes, baies rouges, mousse s’épanouir dans un environnement dur, hostile. Froid, vent et précipitations sont la norme dans la région, malgré cela, la nature resplendit.
De retour sur le bateau, nous regagnons Ushuaia en longeant l’aéroport international qui occupe une péninsule en partie gagnée sur la mer à proximité de la ville.
Le temps de déjeuner et nous participons à la deuxième excursion de la journée, vers l’île Martillo. Un minibus emmène alors les vingt participants vers le port Almanza. Soixante dix kilomètres de trajet dont la moitié sur une route non asphaltée.
Excursion vers l’île Martillo
Le véhicule longe la rivière Lasifahaj, au fond d’une vallée couverte de forêts, avant de rejoindre les rives du canal de Beagle. La petite ville chilienne de Puerto Williams se distingue de l’autre côté, plus au sud, surplombée par des montagnes surnommées « dentelles de Navarino ».
Nous arrivons au port. Une exploitation conchylicole, de moules, est présente dans la baie. Des bateaux de pêche oscillent doucement au-dessus des flots calmes. L’embarcation sur laquelle nous effectuerons l’excursion attend, la proue échouée sur la grève pour que nous puissions monter à bord. De même type que celle du matin, semi-rigide, un peu plus large et plus allongée néanmoins.
La navigation est paisible, entre îles et îlots et les rives du canal de Beagle. Des vaches, de l’estancia Haberton, broutent des herbes salées et les algues rejetées sur le rivage. Tandis que quelques cormorans flottent à la surface.
Après une demi-heure de trajet, nous arrivons en vue de l’île Martillo. Propriété de l’estancia, il est interdit d’y débarquer (seule la compagnie Piratour possède ce privilège. Le tarif de l’excursion est par conséquent prohibitif, 200 dollars + 25 dollars de droits d’entrée).
Nous observerons donc les manchots en restant sur le bateau. Ce dernier longe la plage de manière extrêmement rapprochée et s’échoue, plusieurs minutes, à divers endroits pour une immersion au milieu de la colonie. Nous sommes ainsi au plus proche des Sphénisciformes, le nom scientifique des oiseaux de mer inaptes au vol vivant dans l’hémisphère sud, autrement dit les manchots !
Manchots de Magellan et manchots Papous
Ceux de Magellan sont d’ailleurs présents en grand nombre. De fait, des centaines sont disséminés sur les galets qui constituent la plage. Ils s’installent sur l’île pendant la période de nidification avant de repartir passer le restant de l’année en mer.
Des jeunes nés quelques semaines ou mois plus tôt sont alors en pleine mue. Ils perdent peu à peu leur volumineux duvet pour se parer des plumes noires et blanches qui les caractérisent.
Leur démarche est encore hésitante, pataude même et ils ne sont pas encore en mesure de s’aventurer dans l’océan.
Les adultes ne sont quant à eux guère plus grands mais tout aussi mignons. Ils se déplacent en dodelinant et s’équilibrent grâce à leurs courtes ailes. Le contraste est ensuite saisissant avec leur grâce et leur rapidité sous l’eau.
Souvent, au moment d’entrer dans les flots, ils semblent hésiter. Un pas en avant, deux pas en arrière. Ils s’aventurent les pieds dans l’eau, reculent, s’éloignent en longeant le rivage, avant de tenter leur chance un peu plus loin.
Lorsque l’un d’entre eux, plus courageux ou inconscient, se jette finalement dans la mer, il est rapidement suivi par plusieurs congénères.
La plupart du temps, ils restent néanmoins immobiles sur la plage, comme dans l’attente de quelque chose qui nous échappe.
Des intrus se sont également glissés au milieu de la colonie. Des cormorans, aux couleurs identiques, blanches et noires, qui, dressés sur leur pattes, font illusion quelques instants.
Bien plus rares, une poignée de manchots Papous se tient stoïque entre les manchots de Magellan. De plus grande stature, jusqu’à 80 centimètres de haut, au bec rouge-orangé et aux pieds orange, ils sont absolument craquants.
Ils nidifient normalement plus au sud, sur les îles sub-antarctique et sur les terres gelées du continent blanc. Mais, une petite colonie, quelques dizaines d’individus, semble avoir préféré s’établir sur la petite île Martillo. Probablement car leurs prédateurs, les orques et les léopards de mer, ne sont pas présents dans la région.
Après une cinquantaine de minutes passées sur place, seul bateau durant toute cette durée, il est dorénavant temps de rentrer. Le trajet retour est identique à celui suivi lors de l’aller. Nous effectuons une (trop longue à notre goût) pause dans une cafétéria/restaurant de Puerto Almanza, avant de poursuivre vers Ushuaia que nous rejoignons à 20h30.
Heureusement, le soleil se couche tard en ce début février et nous savons où dormir ce soir, le long de la rivière Olivia, comme la veille.
Informations pratiques
Excursions avec l’agence Paludine.
Canal de Beagle : 12000 pesos. 2h30. Départ depuis le port d’Ushuaia. Navigation vers le phare des Éclaireurs, observation des lions et mer et de nombreux oiseaux marins, île Bridges.
Manchots / île Martillo : 18000 pesos. 6h. Trajet en bus vers le port de Puerto Almanza (1h30). Puis, navigation autour de l’île Martillo. Et retour en bus à Ushuaia.
Prix pour les deux excursions combinées (à réaliser la même journée ou lors de deux jours différents) : 24000 pesos.
Stationnement Ushuaia : nombreux parkings gratuits en ville. Le plus central étant celui du front de mer, à proximité du port, de l’office de tourisme et des agences proposant des excursions.
Camping sauvage Ushuaia : 5 kilomètres avant d’arriver en ville, sur les rives de la rivière Olivia. Gratuit. Espaces herbeux. Cadre agréable. Tranquille la nuit.